Si les pratiques de génie pédologique visent à préserver la qualité physique de sols néoformés, le maintien de leur qualité biologique n’est que peu considérée. Les vers de terre, autrement appelés Lombriciens, ont été reconnus comme étant des bioindicateurs de réponse aux pratiques de gestion des sols, en milieu agricole notamment. Leur écologie en milieu urbain et péri-urbain est cependant peu renseignée. Ils contribuent pourtant à de nombreux services écosystémiques via notamment la création de porosité, la régulation des eaux pluviales, la production primaire, la formation des sols…
Sol Paysage a entamé une démarche de recherche afin d’apporter des éléments de réponse aux conséquences des pratiques de conception et de réalisation de sols sur la biologie des vers de terre. Ce projet prendra la forme d’une thèse CIFRE en septembre prochain. Elle participera à mieux intégrer l’écosystème du sol aux projets, à savoir les interactions entre les êtres vivants et le milieu physique dans les pratiques d’ingénierie.
Pour identifier les itinéraires techniques adéquats, des étapes de recherche et d’exploration sont nécessaires. Dans un premier temps, il s’agit de caractériser les communautés lombriciennes (abondance, biomasse, structure des groupes fonctionnels, espèces présentes) dans ces sols spécifiques des milieux urbains et périurbains. Une première campagne de prélèvements de vers de terre a été réalisée ce printemps sur 30 parcelles réparties entre Saint-Quentin-en-Yvelines (78) et Palaiseau (91). Le plan d’échantillonnage a été conçu pour étudier les impacts des discontinuités du sol (fragmentation de la trame brune), des usages et des pratiques d’ingénierie. Le protocole de prélèvement de Lombriciens appliqué est celui proposé par l’OPVT (Observatoire Participatif des Vers de Terre), initié par Daniel Cluzeau, le directeur de thèse. Ainsi sur chaque parcelle, 6 blocs de terre (20*20*25 cm) sont extraits et triés manuellement. Chaque individu collecté est identifié au niveau de l’espèce puis pesé.
Les premiers résultats montrent la capacité des vers de terre à s’installer dans des sols jeunes (inférieurs à 4 ans) et très contraints (volumes restreints, isolés en terre-pleins centraux…). Les parcs urbains et plantations de voirie montrent en effet des abondances et biomasses plus élevées que celles des témoins naturels. L’étude d’une parcelle expérimentale âgée d’un an, couverte d’herbacées ou d’arbres, indique la présence de Lombriciens uniquement sur des placettes plantées d’arbres, laissant supposer un transport puis une colonisation via les mottes des arbres. Certains vers dits « anéciques », creusant de grandes galeries verticales sont quasiment absents des plantations de voirie tandis que leur biomasse est majoritaire dans des sols plus profonds et moins contraints de parcs urbains. Ils apparaissent donc sensibles aux modalités de mise en place de sols.
Les résultats seront enrichis de données physico-chimiques et morphologiques, par la description notamment des profils de sols et des bioturbations (galeries et déjections de vers de terre). Les prochaines campagnes de terrain viseront à compléter les modalités de sol étudiées. Un deuxième temps de recherche sera consacré à comprendre l’influence des communautés lombriciennes sur les services écosystémiques de régulation des eaux pluviales et de support en espaces paysagers.
Jeanne Maréchal
Ingénieure chargée d’études
Sol Paysage