Décider de la mise en œuvre de mesures compensatoires est le dernier recours face aux impacts d’un projet, après l’évitement et la réduction. Les travaux initiaux / d’entretien et les suivis écologiques présentés dans cet article permettent de prendre toute la mesure de la dimension non maîtrisable de la compensation : la nature dira à terme si les interventions conviennent. Aucune mesure ne permet d’envisager une réussite à 100%. C’est pourquoi les suivis sont aussi impératifs qu’importants dans la conduite de ces mesures prises à long terme (ici 30 ans) car ils permettent de les ajuster au mieux.
Porteur d’un projet impliquant en dernier recours des mesures compensatoires, malgré la mise en place de mesures d’évitement et de mesures de réduction, le maître d’ouvrage a demandé l’intervention du GEREA pour mettre au point un plan de gestion sur 30 ans du site compensatoire (environ 9 hectares) et un suivi des mesures engagées. Les demandes répondaient à un Arrêté préfectoral donnant autorisation de défrichement et un Arrêté préfectoral portant dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales protégées et de leurs habitats.
Les objectifs des mesures compensatoires étaient de restaurer et préserver une lande humide à molinie pour le Fadet des laîches (un papillon), de créer des zones de reproduction et conserver des zones de repos pour les amphibiens et reptiles et de restaurer et/ou préserver des boisements de feuillus indigènes. Le plan de gestion prévoyait des travaux initiaux de restauration : ouverture par débroussaillage d’arbustes et coupe d’arbres, plantations de feuillus, préservation d’îlot de vieillissement, création de mares pour amphibiens par terrassement.
Les travaux initiaux ont été programmés à la période la moins impactante pour le milieu naturel, en fin d’été-début d’automne. Ils ont permis d’ouvrir des landes à molinie pour favoriser le Fadet des laîches, de viser l’objectif de 850 plants/ha par la plantation de feuillus tout en favorisant la régénération naturelle des feuillus déjà présents. Trois mares (dépressions) pour amphibiens ont également été creusées selon des critères précis.
Le suivi écologique engagé dès l’année suivante visait, entre autres objectifs, à surveiller l’émergence du Fadet des laîches, le développement de la lande humide, ainsi que la présence de populations d’amphibiens attirées par les mares. La surveillance de l’éventuelle expansion d’espèces exotiques envahissantes était aussi un des enjeux majeurs de cette opération.
Afin d’atteindre les objectifs fixés, de ces suivis découlent aujourd’hui les travaux d’entretien. Dans ce cadre, il s’agit de surveiller les dynamiques de la brande, de la bourdaine et de l’ajonc d’Europe pour maintenir la lande à molinie ouverte tout en laissant certaines parties se développer pour favoriser la présence de la fauvette pitchou. Le maintien des landes à molinie est une priorité pour permettre au fadet des laîches de se développer sur cette parcelle. La suppression des espèces exotiques envahissantes (cerisier tardif) a été menée pour a minima les contenir.
Aujourd’hui, sans préjuger des résultats finaux de la mise en place de ces mesures compensatoires, qui date seulement de 3 ans, les travaux entrepris ont, d’ores et déjà, permis de proposer les conditions favorables au développement de la biodiversité visée par les objectifs. Ainsi, le Fadet des laîches est contacté chaque année au sein de la lande à molinie. La Fauvette pitchou a repris possession de son habitat restauré. Les amphibiens ont déjà reconquis une des 3 mares au printemps dernier. Les plantations se développent avec près de 80% de réussite.
Les suivis à venir permettront au GEREA et à l’ensemble des acteurs impliqués de mieux appréhender la pertinence des mesures mises en œuvre et de les faire évoluer si nécessaire.
Maël Hervouët
Ingénieur écologue – Chargé d’affaires
GEREA Ingénieurs Ecologues