Fondateur de Arbres Haies et Forêts, une entreprise de travaux de génie écologique, Eric Dedonder partage son retour d’expérience du terrain sur les effets des sécheresses et aléas torrentiels sur les travaux de plantation constatés en 2020. Cette année a été marquée par deux évènements qui ont perturbé la bonne réalisation des chantiers de re végétalisation en génie écologique.
Sécheresse printanière accompagnée du confinement Covid et de l’impossibilité d’arrosage, suivi d’un épisode de canicule sèche estivale ont amené, sur deux chantiers de plantations de jeunes plants arbustifs et arborescents, qui avaient été réalisés en fin d’hiver entre le 01-02 et le 15 -03, à une perte très importante de près de 20 % avec des pousses extrêmement réduites. C’est ce que nous qualifions d’échec de plantations. D’autres éléments ont joué comme les sols, dans un cas trop tassés entre autre par la préparation au Bull, et dans l’autre un remblai drainant avec une terre végétale de trop faible épaisseur (moins de 10 cm).
Cependant il nous semble que le principal problème est lié au double stress hydrique et thermique. Les épisodes caniculaires de cette année nous ont bien montré la réalité du stress thermique pour un certain nombre de végétaux en culture conventionnelle comme en permaculture.
Ces constatations nous ont amené à plusieurs réflexions, dans un contexte climatique qui va voir se répéter les épisodes de sécheresses et de canicules.
- La période de plantation devrait sûrement être revue lorsqu’il n’y a pas de certitude d’accès à une disponibilité d’eau d’arrosage. Les plantations de fin d’automne permettent aux plants de créer un réseau de chevelu racinaire supérieur aux plantations de printemps.
- Nous devons réfléchir à l’interaction sol plante pour avoir la meilleure chance de reprise.
Forestiers aussi, à AHF nous avons réussi des boisements y compris dans des éboulis, des sols squelettiques et même des pseudogleys. Le site de reboisement était fondamental, ubac pour les sols squelettiques et éboulis, plateau boisé avec un entourage d’étangs avec forte évapotranspiration pour les pseudogleys. Dans ces cas, si la réserve utile était absente nous avons eu en général pour ces plantations une pluviométrie ou hygrométrie estivale suffisante. On peut reconstituer un boisement, linéaire ou plein, dans des sols peu adaptés, si le contexte permet un apport régulier en eau. Ces conditions ne seront pas souvent réunies à l’avenir, et cela ira en s’empirant.
Un autre exemple est un échec à 80 % sur une revégétalisation en milieu torrentiel de montagne par 3500 boutures de Salix en densité de 3-4/m² en sol graveleux avec une très faible matrice sablo-limoneuse. Il y a quelques années, ce type de boisement fonctionnait car les assecs étaient faibles et de courte durée. On comptait aussi sur le fait que dès la première année les petites pousses des Salix amenaient des dépôts de fines et de matière végétale. Il faut peut-être changer de technique en allant sur des végétalisations moins disséminées, des techniques de recolonisation par points d’appui développant ensuite la captation de fines et l’accueil faunique.
Nous devrons compléter nos techniques par une forte amélioration des compétences collectives, maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et entreprises réunies. Plusieurs pistes existent déjà ; préparation profonde du sol, recomposition d’un sol vivant (je vous invite à relire les livres de Soltner), paillage, mulchage, mycorhysation des plants, plantations préalables d’amélioration, utilisation de végétal adapté (végétal local). Il me semble que malgré cela nous n’avons pas encore toutes les armes de la connaissance pour améliorer nos reboisements de cicatrisation. Nous avons une faible connaissance des impacts croisés de la chaleur et de la sécheresse sur les sols dénudés, de l’impact des UV en complément de la chaleur sur les populations des 10 cm superficiels.
Quelle capacité auront ces sols à accueillir quels types de boisements ? En terme de liaison flore faune, quel impact aura la diminution de la réserve alimentaire fournie par la microfaune du sol sur les chaînes trophiques qui sont aussi nécessaires à la pollinisation et à la dissémination végétale ? Ne faut-il pas travailler à réfléchir aux dynamiques végétales naturelles de recolonisation des sols et donc arrêter de vouloir installer la phase « adulte » du boisement ? Ne faut-il pas aussi prendre un peu plus de temps pour arriver aux résultats souhaités que ce soit en protection des sols ou en reconstitution d’écosystèmes ?
Je nous invite donc tous, membres de l’UPGE, à nous former, entre nous et auprès des scientifiques travaillant sur ces sujets, pour adapter rapidement nos techniques aux changements climatiques et à leur impacts en terme de biodiversité. Nous devons mieux allier la connaissance scientifique à notre pragmatisme de terrain.
Eric Dedonder
23 ans au sein de Arbres Haies et Forêts