Quels outils développer pour permettre aux maîtres d’ouvrage qui le souhaitent d’intégrer durant toute la vie de leur projet les espèces protégées ? A droit constant, peut-on imaginer de nouveaux dispositifs réglementaires encadrant les pratiques de gestion en faveur de ces espèces et sécurisant le porteur de projet ?
La dérogation espèces protégée
La réglementation espèces protégées est un pilier majeur de la préservation de la biodiversité en France. Son application oblige tout porteur de projet à considérer son impact sur les espèces protégées en respectant les interdictions prévues à l’article L. 411-1 du code de l’environnement : destruction, déplacement, perturbation, etc. des individus et de leurs habitats. L’article suivant définit les conditions pour lesquelles le porteur de projet peut obtenir une dérogation à ces interdictions.
Aujourd’hui, un maître d’ouvrage qui souhaite intégrer les espèces protégées (et plus largement les « espèces à enjeux ») se trouve rapidement confronté à des difficultés décourageantes. En effet, si les espèces sont apparues grâce au mode de gestion mis en place, et que l’activité du maître d’ouvrage impacte d’une manière ou d’une autre ces espèces, celui-ci doit demander une dérogation à l’administration. C’est une procédure longue, complexe, à l’issue parfois incertaine. En particulier, l’octroi de cette dérogation suppose que le projet réponde à une « raison impérative d’intérêt public majeur », élément difficile à prouver au regard des jurisprudences de contentieux de ces dernières années. Certains maîtres d’ouvrage voient cet outil comme un risque juridique pour leur activité et font donc tout pour éviter de l’utiliser. La solution la plus simple étant alors de ne pas accueillir d’espèces protégées.
Le groupe de travail Application de la réglementation espèces protégées
Lancé le 3 septembre par l’UPGE, le groupe de travail réunit le Club infrastructures linéaires et biodiversité (CILB), l’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), le ministère de la Transition écologique et l’Office français de la biodiversité (OFB). Au-delà du point dur de la dérogation espèces protégées, sur lequel il faudra avancer, de nombreuses solutions existent pour favoriser la présence des espèces protégées dans le cadre des activités économiques, développées au sein des territoires par des acteurs qui travaillent en confiance. C’est le premier volet du groupe de travail Application de la réglementation espèces protégées et dynamiques écologiques, qui travaillera à réunir ces cas pour les valoriser. Le deuxième volet consiste à imaginer de nouveaux outils qui permettront de répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain et pour lesquelles on constate une absence de solution satisfaisante. Ces outils seront mis en œuvre grâce à des expérimentations sur le terrain avec les maîtres d’ouvrage et l’État.
L’objectif du groupe de travail est donc de créer un recueil d’outils permettant d’inciter à favoriser les espèces protégées en respectant la réglementation. Ces outils devront faciliter la prise en compte de la dimension dynamique de la biodiversité dans des contextes de gestion courante de milieux, au sein de zones en attente d’un aménagement futur, dans la gestion de la remise en état de sites…
Alexandre Cluchier
Président du GT Application de la réglementation
Vice-Président de l’UPGE
Directeur R&D chez ECO-MED