Le chantier de la création d’une déviation de Saint-Hostien – Le Pertuis en tracé à 2×2 voies (environ 10,7 km) de la RN88 sur les communes de Le Pertuis, Saint-Hostien, Saint-Pierre-Eynac et Saint-Etienne-Lardeyrol (43), sous maitrise d’ouvrage de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a nécessité le déplacement de trois espèces végétales dont une protégée.
Les espèces concernées sont : Digitalis grandiflora (Digitale à grandes fleurs), Moehringia muscosa (Moehringie fausse mousse) et Orobanche caryophyllacea (Orobanche du gaillet).
Le déplacement d’espèces végétales naturelles est complexe, elle doit prendre en compte la biologie de l’espèce, identifier les conditions édaphiques nécessaires à la réalisation de l’ensemble du cycle biologique de l’espèce et trouver un habitat récepteur présentant ces paramètres.
Les individus directement concernés par l’emprise chantier ont bénéficié de mesures permettant de réduire les impacts sur les populations locales des trois espèces végétales visées avant les travaux de dégagements des emprises :
- Récolte de graines ;
- Transplantation d’individus ;
- Collecte des tubercules basals et tubercules adventifs installés sur les racines des plantes hôtes.
Ainsi, l’élaboration d’un protocole adapté à chaque espèce a été menée par Eco-Stratégie sous la validation du Conservatoire Botanique National du Massif central (CBNMC) et en partenariat avec le Conservatoire d’Espaces Naturels d’Auvergne (CEN d’Auvergne). Le protocole s’appuie également sur des expériences similaires déjà réalisées.
Au-delà de la mise en œuvre de la transplantation à partir de plants, un protocole expérimental a été construit pour le semis de graines récoltées permettant de contribuer à augmenter et à alimenter les retours d’expériences.
Les zones d’accueil pour la transplantation et le semis de graines doivent respecter plusieurs critères : présenter des conditions pédologiques (nature du substrat, humidité), avoir une végétation similaire (cortèges d’espèces) aux stations impactées et être situées à proximité des stations impactées.
Un travail de prospection de parcelles d’accueil a été mené de septembre 2021 à mai 2022 avec le CBN Massif central, le CEN d’Auvergne et Eco-Stratégie.
Les modalités de transplantation de chaque espèce ont été adaptées et ont été réalisées manuellement en 2022 sous la forme de placette permettant de suivre les individus transplantés. L’ensemencement prévisionnel des graines récoltées est prévu à l’automne 2023.
Pour l’Orobanche du gaillet, le prélèvement des pieds a été réalisé sous la forme d’une motte sur 10 à 30 cm de profondeur (selon l’enracinement constaté sur place) pour inclure la plante hôte Galium verum ou Galium album. Un prélèvement élargi permet également de transplanter la jeune Orobanche non visible en surface mais déjà installée sur une racine de Gaillet.
Prélèvement de pieds d’Orobanche du Gaillet : des fleurs (à gauche) tubercules basals et adventifs (à droite). ©️ Eco-stratégie
Pour la Digitale à grandes fleur, le prélèvement des pieds a également été réalisé sous forme de motte pour inclure de possibles graines présentes dans le sol.
Prélèvement des pieds de Digitale
à grandes fleurs. ©️ Eco-stratégie
Pour la Moehringie fausse mousse, le prélèvement comprenait le support rocheux et du substrat autour des individus (environ 10 cm autour). La banque de graines issue des années précédentes a ainsi été préservée et les individus peu perturbés par la transplantation.
Prélèvement du support rocheux/coussins d’individus (à gauche) et de zone d’accueil (à droite). ©️ Eco-stratégie
Chaque placette transplantée a été mise en défens et sera suivie tous les ans pendant 2 ans puis tous les 5 ans pendant 30 ans. Une expertise est réalisée à chaque pas de temps défini, en période de floraison pour chaque espèce.
Le suivi des pieds transplantés et des semis sera assuré par un bureau d’études spécialisées ayant une expertise botanique. Tout comme le protocole de transplantation, le protocole de suivi a été validés par les services de l’Etat, les organismes et les référents scientifiques. Un rapport bilan de l’opération de transfert et d’ensemencement sera réalisé et présentera l’évolution des individus transplantés, le développement des stations recrées, une analyse des raisons et un ajustement si nécessaire est proposé.
Marie-Eléonore PETIT,
cheffe de projet Environnement chez Eco-Stratégie